SCOTCHES

Dans un premier temps considérons la situation suivante :
Soit un cône (blanc) sur lequel se meut un dahu (marron) respectant la condition suivante, qu’illustre l’image ci-dessus : le sommet du cône-dahu (modèle mathématique de notre dahu) coïncide avec le sommet du cône sur lequel il se meut.
Pour les mécaniciens cette situation est fréquente puisque c’est ainsi qu’avec des engrenages coniques on assure des renvois d’angle. Les deux cônes tournant autour de leur axes, la rotation de l’un entraîne la rotation du second suivant une direction différente correspondant à l’axe du second *. La condition nécessaire et suffisante est que les sommets des cônes coïncident. Poursuivant avec cette image mécanique, on perçoit assez aisément que si l’un des cônes (le blanc) est immobile et que par une liaison ou moyen technique nous assurons la coïncidence des sommets … alors le second cône (le marron) pourra tourner autour du premier en restant en contact tout le long de la droite commune ; laquelle est une génératrice pour chacun des cônes.
Passons à l’atelier d’imprimerie une fois que nous avons réglé ou compris ceci. Imaginons que sur le cône blanc nous ayons dessiné à l’encre grasse une figure ( dans notre illustration nous avons en particulier tracé un cercle rouge. Question qu’est-ce qu’un cercle sur un cône ? Nous y répondrons). Lorsque vous ferez tourner le cône marron autour du blanc l’encre du blanc se reportera sur le marron.
Nous pourrions concevoir un système un peu plus compliqué qui éviterait au dahu de se salir les pattes. Interposons entre les deux cônes un plan ou feuille de papier très rigide. Pour peu que le dahu exerce une pression sur le cône blanc la feuille de papier restera en contact lors du déplacement. Elle ne glissera pas (ni ne pivotera) car l’encre, combinée à la pression assure une adhérence. Un pas du dahu fait basculer la feuille autour de la droite de contact. Comme on ne glisse pas, le pas que le dahu fait sur la feuille correspond au chemin que celui-ci fait dans son déplacement (ou rotation) sur le cône blanc. Rien ne se perd, rien ne se crée tout se transporte … pour paraphraser Lavoisier ! Dans ce déplacement vous imprimez sur la feuille rigide de papier la figure qui se trouve sur le cône blanc. D’une surface qui n’est pas plane (le cône blanc) ainsi vous transportez dans le plan (la feuille de papier rigide) les figures par l’intermédiaire du cône-dahu.
Nous nous demandions ce que pouvait vouloir dire un cercle sur un cône ; et bien si vous regardez la figure transportée sur la feuille rigide et que vous y reconnaissez un cercle, vous direz que la figure sur le cône blanc est un cercle. Ce serait un peu facile ou bien nous produirions un cercle vicieux, si nous ne nous appuyions pas sur la propriété caractéristique du « cercle » que nous transportons d’une surface sur l’autre. Dans notre feuille nous avons une figure dont tous les points sont à égale distance d’un centre et nous avons transporté, en conservant les distances, la figure **, donc son « centre ». Pour placer sur le cône blanc le « centre » de cette figure il suffirait de mettre un point d’encre sur la feuille rigide au centre du cercle et de faire refaire au dahu le chemin inverse ( en marche arrière ou bien en imaginant qu’on rembobine le film et le temps … Vous laissez défiler le temps, vous faites cette intervention chirurgicale qui consiste à placer le centre, puis vous remontez le temps).
Les distances ont été conservées mais ce n’est pas tout et c’est ce qui intéresse les mathématiciens qui veulent tout mettre à plat.
Nous pourrions aussi bien décôner et mettre le cône à plat. Nous obtiendrions un morceau de disque. C’est ce qu’on appelle le développement du cône et ce qui a été imprimé deviendrait directement lisible.
Nous verrons cela dans les prochains numéros …
à suivre.
Notes :
* Les vitesses de rotation ne sont pas conservées si les deux engrenages n’ont pas le même nombre de dents. Mais ce n’est pas sur cela qu’il faut porter l’attention : il faut que la distance entre les dents soient égales sur chacun des engrenages pour que cela puissse fonctionner, c’est à dire tourner.
** Il n’est pas simple de montrer que les distances sont conservées dans cette opération. Pour ce qui est des points sur la ligne de contact, c’est assez clair. Puisque les matériaux ne sont pas élastiques, ce qui est sur le cône blanc est au moment du contact sur le cône-dahu donc avec la même longueur de part et d’autre. Mais pour ce qui est transversal à cette ligne ce n’est pas évident. Ceci ne se résout que par un passage à la limite qui permet aux mathématiciens de faire cette mise à plat en passant par le plan tangent. Ce n’est que le passage à la limite, en considérant des pas de plus en plus petits jusqu’à l’infiniment petit, et une continuité (même plus dérivabilité) qui permet de faire se « confondre » l’élément de surface avec le plan qui lui est tangent. Si il n’y avait pas de continuité le processus serait mis en défaut. Il y aurait une autre façon de le vérifier qui consisterait à enrouler le plan, s’il n’était pas trop rigide, sur le cône blanc. Nous constaterions la superposition des figures. Il n’en demeure pas moins mystérieux qu’une figure plane puisse venir coïncider avec une figure qui n’est plus plane. C’est l’un des étonnements que réserve le continu et l’infiniment petit … de permettre de confondre pendant un petit bout de chemin infiniment petit deux mondes différents. En se déplaçant, un des mondes bouge (le plan tangent) et on recolle à chaque pas le nouveau plan tangent à son prédécesseur … mais ceci est encore une simplification grossière car nous ne pouvons plus être discret et compter. A plusieurs reprises nous vous avons signalé « nous demeurons discrets mais pensons en continu ». De fait dans ces cas la « discrétion » était encore de mise mais nous nous appuyions sur un édifice continu. Pour notre part nous avons toujours été émerveillé par le fait de réussir à plier une feuille de papier, encore plus de réussir à en faire un cône. Vous comprendrez notre étonnement lorsque nous aborderons la sphère par exemple. Une sphère ne se déplie pas en un plan mais nous verrons comment nous réussissons à la mettre à plat en demeurant discret … c’est un peu comme notre étagère … en plus compliqué !